Maurine Duet
Bombay, début des années 2010. Dans sa cuisine, une femme verse à la hâte le curry qu’elle a préparé pour le midi dans de petites boites métalliques. Un piment tombe sur le bord de son plan de travail. La sonnette retentit. « J’arrive ! ». Elle empile les gamelles les unes sur les autres, formant une petite tour, qu’elle niche avec soin dans une housse bleue. Elle zippe la fermeture. Nouveau coup de sonnette. Elle ouvre la porte, et tend le paquet à un homme vêtu de blanc, qui l’empoigne sans un mot. La porte se referme. Par la fenêtre, la femme regarde l’homme accrocher sa précieuse tour sur son scooter, parmi des dizaines d’autres. Il démarre, et s’éloigne. La boite est partie. Il n’y a plus qu’à attendre. « Il va adorer, c’est sûr ! ». Sa voisine du dessus, Auntie, l’a promis. Avec les épices qu’elle lui a prêtées, il ne peut que succomber. Après tout, la séduction passe aussi – et surtout – par les papilles.
Cette femme, c’est Ila, qui, chaque midi, prépare la « Lunchbox » de son mari, parti travailler. L’éloignement de leur couple lui pèse, mais elle compte sur son talent culinaire pour renouer les liens. Après tout, elle a « de l’or dans les mains. » Dans l’après-midi, les boites métalliques reviennent. Vides. Pas une miette ne reste, comme si on les avait léchées. « Tu vois, je te l’avais dit ! » crie Auntie. Ila est ravie. La séduction a visiblement eu lieu, comme elle l’avait espéré. Mais que se passera-t-il lorsqu’elle réalisera, le soir venu, que ce n’est pas son mari qui a mangé le repas qu’elle avait préparé, mais Saajan, un expert-comptable solitaire sur le point de prendre sa retraite ? Une erreur ? Impossible. Le service de livraison l’affirme, les livreurs ne se trompent jamais. Le plat est toujours délivré là où il doit l’être. Et si, en effet, il l’était ? Et si c’était vrai ? Car, finalement, et comme on le dit si bien, « un mauvais train peut vous amener à la bonne gare ».
Dans son film « The Lunchbox », le réalisateur indien Ritesh Batra nous invite à un voyage culinaire surprenant, où aubergines confites deviennent une déclaration d’amour, et poulet pimenté, une déclaration de guerre. Le récit touchant de Ila et de Saajan nous rassemble au moment du repas, mélangeant rencontre, séduction, confidences et petits plats trop salés pour un cocktail de saveurs et de fraicheur cinématographique. Un film plein d’émotions, à consommer sans modération !