Sushis : je vous aime et je vous déteste

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Cette dernière décennie, avec la popularisation des mangas, ils se sont développés jusqu’à devenir tendance. Au départ critiqués pour leur texture, leur saveur, leur froideur, tout en fait, les sushis sont aujourd’hui un business à part entière en France. Nous ne pouvons le nier. J’adore moi-même ces petites boules de riz recouvertes de poisson cru. Mais je ne suis pas prête à tout laisser passer. Simple, esthétique, aimé ou détesté, surtout cher, ce plat est désormais un incontournable en France. J’ai parfois même l’impression que nous en mangeons plus ici qu’au Japon.

Un beau jour, ils se sont retrouvés vantés par les médias pour leurs valeurs nutritives et leur vertu sur la santé. Les sushis sont réalisés avec des gestes répétitifs, presque mécaniquement. Parfois même avec des additifs chimiques dont on n’arrive ni à prononcer ni à comprendre le nom. Mais nous choisissons de ne pas regarder l’étiquette. Tout ce que nous voyons est le produit final, le plaisir éphémère qu’il va procurer. Les sushis sont devenus de la « restauration rapide saine » et leur qualité s’amenuise.

Succès ou victime d’une mode, le sushi est devenu monnaie courante dans la vie des Français. Il suffit de se promener en ville pour constater qu’on en trouve à tous les coins de rue. Restaurants, chaînes, sushis bar, et buffets à volonté dont les propriétaires ne sont que rarement japonais ont poussé comme des champignons. Tant de contrefaçons… et pour quel goût ? Souvent déçue, je poursuis ma recherche du sushi parfait dans l’hexagone.

Probablement parce que leur consommation s’est démocratisée, nous n’incluons que les makis dans l’appellation sushi. Pourtant, ce ne sont qu’une partie d’une montagne d’autres formes. Nous mangeons des makis en plat, en dessert, à toutes les sauces : avec du wasabi, de la sauce soja, même du chocolat… J’ai beau aimé le chocolat, là, c’est non. Ce sushi n’a plus rien à voir avec le plat d’origine, et est digne d’une tentative d’appropriation ratée.

La manière de les manger est également souvent ignorée, nous n’allons pas au restaurant pour nous cultiver. Pourtant un rappel de l’histoire et des règles pourrait être ludique. Les sushis sont censés être mangés de manière spécifique. Règle de base, se laver les mains car les sushis se mangent traditionnellement à la main. Ensuite, il faut suivre un ordre selon les couleurs et les odeurs. Enfin, il faut manger un sushi en une bouchée et en ne rajoutant ni wasabi ni trop de sauce. Ne pas respecter ceci est une marque de la faible qualité de fabrication, qui peut être prise pour une insulte par le chef.

Lorsque nous décidons avec mes proches de tester  « un nouveau Japonais », je suis à la fois excitée et perplexe. J’ai la joie de me dire « chouette » puisque nous allons manger un plat que j’adore. Puis, je pense aussitôt « est-ce que les sushis seront bons dans ce restaurant ? » Je préfère amplement manger un autre plat japonais moins connu mais mieux exécuté plutôt que des sushis faits à la hâte. La lassitude avec laquelle ils sont réalisés se ressent à chaque nouvelle désillusion sensorielle.

D’ailleurs, les personnes qui aiment les sushis en ont tellement fait durant leur phase de découverte que finalement, n’aurait-on pas mis trop de pression sur ce mets ? Cette image idyllique s’est aujourd’hui transformée en un inconvénient. Les sushis sont synonymes de nourriture fade et nous ne pouvons qu’être déçus vu qu’ils tiennent du fantasme. Saurait-on savourer un sushi authentique cuisiné par un chef japonais ?

« Je vais manger Japonais » signifie en raccourci je vais manger des sushis. Les plus ignorants associeront directement les sushis au Japon. Et hop, un nouveau cliché. Culinairement, le pays du soleil-levant a bien plus à offrir. En réalité, les sushis occultent les autres plats composés de riz : onigiri, poulet teriyaki, katsudon, sans compter ceux à base de nouilles ou les desserts de l’archipel qui sont autrement bons.

Finalement, les sushis ont permis une meilleure connaissance de la culture japonaise en France. Néanmoins, elle éclipse et déprécie inconsciemment les autres cultures asiatiques. La cuisine des autres pays d’Asie, diversifiée, colorée, savoureuse et tout aussi appréciable mérite d’être mise en lumière. Préservons ces trésors.

Olivia Eap

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