Chronique de la série Samurai Gourmet

Concours, Écrits

Voilà un titre de série bien prometteur, associer « Samurai » et « Gourmet » est assez osé et original. Je me demande bien comment ils vont marier les deux, en tout cas ça me donne envie de me lancer.

Première surprise, l’histoire se déroule de nos jours, dans une ville japonaise moderne. Pas de longs champs de cerisiers ni de duels de samouraï dans les prairies. Ensuite, notre héros, qui n’en a ni la carrure ni l’attitude, est un tout jeune retraité qui a un peu d’appréhension à l’idée de perdre son statut social et devenir « inutile » à la société.

Comment va-t-il désormais occuper ses journées, lui qui toute sa vie a mis sa carrière au centre de tout et ne s’est accordé aucun loisir ? C’est là que « gourmet » va prendre tout son sens. Cet homme, marié à Shizuko, une douce et attentionnée femme encore active, va se réinventer. Tout commence par la découverte d’un restaurant devant lequel il était passé tous les jours en allant au boulot mais qu’il n’avait même pas pris le temps de remarquer. N’ayant aucun projet, pourquoi ne pas se détendre autour d’un bon repas ? Oui mais tout n’est pas si simple, Takeshi a subi toute sa vie les très nombreuses règles de bienséance au Japon ainsi que le poids très présent des « contrats sociaux » japonais qui lui font craindre le regard des autres. Ainsi, même commander une bière à midi en semaine est un déchirement intérieur, il la veut terriblement cette bière mais que penseraient les autres gourmets ?

C’est là qu’intervient son « samouraï » imaginaire, que ferait un homme viril et sûr de lui dans cette situation ? Il imagine alors ce guerrier agir dans tous les moments d’hésitation qui vont se présenter à lui. Un conflit à régler, des voisins bruyants, un restaurant trop guindé, que faire ? Et là son samouraï lui donne les réponses, l’imaginant dur, un peu grossier mais juste, n’ayant aucune crainte du regard des autres, sa seule préoccupation c’est son plaisir, un hédoniste un peu égoïste au pays de l’effort collectif. Après tout, Takeshi a bien assez travaillé toute sa vie ne pensant qu’à son entreprise, il est temps de faire tout ce qu’il ne s’est pas autorisé avant.

Bien que la nourriture soit l’élément central avec de nombreux plans sur les préparations culinaires, le tout en musique, et la dégustation pleine d’entrain et d’émerveillement de notre protagoniste, vous pourrez sans nul doute y voir une critique de la société. La voix off qui matérialise les émotions de Takeshi représentant les diktats sociaux et le poids trop important accordé au travail et l’autre personnage, le samouraï, suggérant l’affranchissement et la culture du développement personnel, en somme : la recherche du bonheur.

D’ailleurs, le plaisir que prend notre indécis gastronome à se détacher de ce poids et savourer tout ce qui lui plaît est communicatif. Faisant souvent un parallèle avec sa jeunesse, comme si toutes les années de sa carrière ne furent qu’un fardeau, il semble vivre une véritable renaissance. Sa femme l’encourageant, il n’est plus conduit que par la recherche du goût. S’essayant tour à tour au ramen, croquette, spaghetti ou encore poulet frit, dans chaque épisode il (re)découvre un nouveau plat avec une joie enfantine.

Une jolie série qui n’hésite pas, sous couvert de la gastronomie, à faire une critique acérée de la société japonaise, remettant au cœur de la vie la recherche de petit plaisir simple. Une ode à l’épicurisme et au bien-être. Préparez-vous à ce que votre ventre vous tiraille pendant que vous réfléchirez à votre place dans la société actuelle.

Seul bémol, encore une fois, le manque de lien entre les épisodes, pas de fil rouge, de quête principale, juste une suite d’épisodes d’environ 20 minutes presque indépendants les uns des autres, ne répondant que peu à vos interrogations sur le passé et le futur de l’apprenti samouraï. Cela ne vous empêchera pas de la déguster avec plaisir.

Nicolas Bosc

Samurai Gourmet
série disponible sur Netflix depuis 2017, une saison, 12 épisodes.
Crée par Masayuki Qusumi, avec Naoto Takenaka et Honami Suzuki.
Bande annonce : https://www.netflix.com/fr/title/80132738

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